La vie

Cachée au fond des océans,
Sur les pentes des sommets géants
Tapie sous la mousse des bois,
Serrée contre le chaud, recroquevillée contre le froid,
Dissimulée dans les mains du modeleur,
Derrière la partition du compositeur,
Sous mille ciels bleus, sous mille ciels gris,
D’un coup, elle surgit, la vie !
Coincée entre les lèvres du moribond,
Accrochée aux hardes du vagabond,
Sur les pas d’un amour perdu,
Avec les fracas des guerres revenues,
Sur le sable où la baleine s’est échouée
Dans les yeux de l’enfant mutilé,
Avec la peur, avec l’ennui,
Souvent, elle pleure, la vie.
Réfugiée dans les jeux de l’ourson,
Dans le regard du nourrisson,
Avec les premiers émois
Des mains blotties dans d’autres doigts,
Autour des feux de joie quand la fraternité dicte sa loi,
Avec le carnaval retrouvé, les chagrins enfuis
Parfois elle rit, la vie.
Nichée entre deux amants qui la tutoient
Rivée à cent muscles qui créent l’exploit,
A l’aise dans la palette de Gauguin,
Oubliant la crainte du lendemain,
Confondue avec la musique et la danse,
Partagée entre amour et connaissance,
Même au creux de la détresse, au coeur de la folie,
Elle vit, la vie !