Les vieux

Ils gardent sous leur peau blême
Les stigmates du bureau mangeur d’oxygène
Ou ils traînent encore sous leurs souliers
De la poussière de l’usine
Qu’à soixante ans ils ont amnistiée.
Ils ont les tiroirs bourrés d’ordonnances médicales
La mémoire vide de toute bacchanale
Ils cachent sous leur manteau
Des bras trop maigres de n’avoir pas assez étreint
D’avoir connu trop de Noëls sans sapin
Ils enferment sous leur chapeau
Des cheveux blancs
Qu’ils dérobent ainsi à la vue des passants
Comme pour gommer un peu de temps.
Il leur reste dans le regard
La tristesse des animaux battus
La fidélité des cocus
Encore quelques larmes pour un coin de mouchoir
Ils promènent leur chien le matin
Devant les parkings des grands magasins
Ils promènent leur ennui le soir
Devant la télé sans rire et sans boire,
Les vieux.
Ils mangent très peu de pain,
Des bijoux, des brocarts,
Ils n’ont pas besoin.
Ils ne souhaitent plus rien pour eux,
Les vieux.
Il ne convoitent qu’un peu de tendresse.
Un peu.