Mes habits d’enfance

Dites-moi Madeleine de Scudéry
Dites-moi, Paul et Virginie
Et vous, Président Coty
Dites-moi, Raoul Dufy
Et toi, Zazie
Vous l’avez bien connue aussi.

Cette ville que le roi François fonda
Cette ville qui sous les bombes agonisa
Plus de quatre siècles après que pour la première fois
La Manche et la Seine l’eurent prise dans leurs bras
Heureuses d’avoir mis au monde cette enfant-là.

Elle m’a vu pleurer et souffrir tout enfant
Puis traîner autour du quartier de L’Eure, du bassin Vauban
Et rêver, rêver en bourrant mes yeux d’adolescent
De ses paquebots si beaux, si grands

Je l’ai quittée en traversant les terres
Alors qu’elle m’offrait, généreuse, l’aventure en mer
Comme on offre aux cosmonautes les portes de l’univers
A moi qui croyais avoir une âme de corsaire.

Loin aujourd’hui des galets de sa plage
De la cavée verte, de la Vierge au noir visage.

Très loin des copains de la rue Gabriel Péri
Du monument aux morts qui, des bombes releva le défi,

Je la revois souvent telle que je l’ai quittée,
Ressuscitée de ses cendres, belle comme une jeune mariée.

Je suis toujours Havrais comme à vingt ans
Je suis Havrais jusqu’à la fin des temps.